Ce « brainxit » qui menace les universités françaises

Lundi 15 Août 2016

L’université française ne peut pas rester dans son univers parallèle. La recherche doit être au service des citoyens.
Dans les vingt années à venir, les confluences technologiques vont bouleverser nos vies plus profondément qu'elles ne l'ont fait dans les cinquante années précédentes. Mais quel impact aura encore la recherche académique française dans cette métamorphose planétaire ?


Outre-Manche les universités prestigieuses rapportent plusieurs milliards d'euros en droits d'inscription. Outre-Rhin, une quinzaine d'universités sont entièrement privées et la coopération entre recherche universitaire et secteur industriel est de rigueur partout. Outre-Atlantique les grandes firmes s'implantent au cœur des campus. Dans l'Hexagone, en revanche, la part du financement privé dans les universités est moitié moindre que dans les pays de l'OCDE. De plus, un ministre français issu du milieu scientifique est aussi rare qu'une météorite, alors que les Allemands ont à leur tête un docteur ès sciences en physique.
Particularités françaises
Le diplôme de doctorat, même scientifique, n'a jamais été reconnu comme une valeur ajoutée  dans l'industrie ni dans les administrations publiques françaises. L'ombre faite par les grandes écoles n'explique pas à elle seule cette situation, car ailleurs on s'arrache les « PhD » des grandes universités. C'est bien une question « d'employabilité » de nos doctorants qui est en cause. Pour caricaturer, quand en France on étudie les mécanismes fondamentaux de la combustion, en Allemagne on va améliorer la combustion d'un moteur... avec un excédent commercial à la clef. Ce faisant, ils font aussi avancer la recherche fondamentale « noble », en ayant bien plus de prix Nobel que nous.

En France, un certain « mandarinat » des directeurs de thèse fait que les étudiants sont cloisonnés et asservis. Ils ont tous l'espoir d'un poste statutaire d'enseignant-chercheur à la fin de leurs études, mais seuls 5 % accéderont à ce « privilège ». Les autres devront se débrouiller, y compris en quittant le pays. Ce phénomène ne peut que s'accentuer vu que des centaines de milliers d'étudiants supplémentaires vont se presser sur les bancs des universités dans les dix prochaines années. Une particularité française est la focalisation sur les aspects structurels ou organisationnels, qui finissent par devenir un but en soi et non plus un moyen. Il est vrai que la peur des mouvements contestataires dans ce pays est une épée de Damoclès qui décourage les réformes de fond sur la compétitivité et l'attractivité. Une autre caractéristique est un certain degré de suffisance qui fait que les Français évitent de se jauger par rapport aux autres.
Peur de l'échec
Rendre obligatoire des stages en entreprise afin de valider un doctorat ou inciter fortement la mobilité des chercheurs entre le public et le privé serait déjà une première étape. Cela casserait le cercle vicieux du manque d'intérêt du privé pour les doctorats et de la défiance des scientifiques vis-à-vis du secteur privé. Une mise en concurrence réelle des universités - avec une gouvernance professionnelle - serait également salvatrice ; ce qui implique une autonomie plus large comme cela est la règle dans les pays qui figurent en haut du palmarès. Enfin, des mesures fiscales supplémentaires sont incontournables pour favoriser le cofinancement public-privé. Encore faut-il pour tout cela un vrai ministère de la Recherche et de l'Enseignement supérieur...
Il risque l'implosion
L'état de nos universités est aussi la conséquence des défauts de l'enseignement primaire et secondaire : un système qui inculque trop souvent une peur de l'échec et induit une castration de la créativité. La compétition individualiste dès le plus jeune âge nous sera également fatale car l'avantage compétitif est du côté de ceux qui partagent l'information. La Californie a ainsi basculé avec succès dans l'ère de la co-innovation multidisciplinaire, et vient de passer devant la France en tant que puissance économique.
La recherche doit être au service des citoyens. Une vision de société - basée sur un exercice de prospective technologique - peut guider les orientations et les priorités, sans pour autant opposer dans une bataille d'arrière-garde la recherche fondamentale et appliquée. Une chose est sûre, l'université française ne peut pas rester dans son univers parallèle, car celui-ci n'est pas en expansion, il risque même l'implosion.
Les Echos.fr avec Didier Schmitt,  ancien membre du Bureau des conseillers de politique européenne, à la Commission européenne avec


 
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